dimanche, février 19, 2006

Is there a certain age you're suppose to be ? Nobody told me.

17/02/06

Ca a sûrement commencé hier.
Je n’étais pas très emballée à l’idée de quitter le lycée pour partir avec S. dans ces vieilles rues trop grecques pour être détestables. J’ai attendu que T. sorte pour le remercier du disque, mais il n’est pas venu. Après, si.
Mais je n’avais plus envie de lui dire. Il était avec des copains. Je l’avais trouvé beau toute la journée et je ne m’en étais trouvée que plus miteuse. J’avais passé les intercours à regarder A., trop occupé à ne pas me regarder et j’avais brûlé une heure et demie, les commissures des lèvres en l’air, à regarder George jouer au foot.
C’est là que ça a commencé à dérailler. J’avais envie de lui parler. Et puis j’ai repensé à Alexandre et à mon cœur qui avait failli tomber en panne tellement j’ai eu peur d’aller lui parler. Je me suis rendue compte que je ne parlerai jamais à George et je me suis trouvée nulle rien que d’en arriver à avoir ce genre de penser sur moi-même.
J’avais donc retardé le plus possible le départ du lycée, je ne pense pas que j’avais vraiment envie de le remercier, c’était juste pour me prouver, et pour prouver à S. que je savais parler aux gens, et pas que pour dire des méchancetés. Mais il a pris son temps lui aussi.
Alors on est parties, on est passées devant un espèce d’autel avec des icônes et des bougies, et mon cou s’est alourdi, j’ai laissé échappé un « Ca fait peur » avant de me rappeler que le père de S. était prêtre. Elle a dit que chacun avait ses croyances et elle m’a dit que c’était là que les lycéens venaient pour fumer. Il n’y avait personne.
L’ombre des arbres sur le sol, et le ciel un peu trop bleu pour un mois de février ont fini de m’achever. Elle revenait de s’acheter du chocolat et la bande de T. était entrain de le martyriser sur la place devant le magasin et j’ai lâché « Je déteste ma vie ». Je n’ai pas eu le temps de voir passer le chocolat. De toute façon je n’en n’aurais pas pris. Je dois mincir si je veux me sentir mieux. « Je dois commencer à m’aimer si je veux que les autres m’aiment ».
Emilie m’avait dit que c’était des conneries, le reste m’avait dit que c’était la réalité. « Aime toi, putain », oui, mais comment on fait ? Je répondais toujours que si je savais comment on faisait, ça ferait longtemps que je m’y serais employée, et on le déclinait en « Accepte toi ». Est-ce que je n’avais pas envie ? Ou, est-ce que c’était vraiment le mode d’emploi qui me manquait ?
J’avais envie de demander comment on pouvait s’accepter quand on part du point où on ne supporte pas l’espace qu’on occupe et qu’on a le sentiment d’encombrer les autres de notre présence, mais je savais qu’il n’y aurait pas de réponse.
S. a essayé de me dire que même Eugénie n’avait pas tant d’amis que ça, qu’une bande, ça n’était pas toujours le plus drôle. Qu’elle aussi. Qu’elle aussi elle regrettait de ne pas avoir pris le coche plus tôt. Et que maintenant, on était les seules sur le bord de la route à n’avoir toujours pas de « Je t’adore ma puce » à mettre dans notre skyblog. Après, nos esprits ont été occupés par le bus qui était censé nous rapprocher du Mall. Les vieilles grecques nous ont assuré qu’il n’y en avait pas, on a pris un taxi et une voix disait des chiffres à la radio. Ca agaçait S. alors on a parlé par-dessus. En français.
J’avais toujours mon déguisement, la veste commençait à me brûler les hanches, la cravate à m’étouffer, et les chaussures à me serrer les pieds. Un peu comme il faut toujours se réveiller, après une assez bonne journée, tout me retombait dessus. Sans ménagement. Aussitôt arrivée, je me suis précipitée aux toilettes pour me déshabiller. Et c’était la première fois que je me déshabillais dans les toilettes d’une grande surface.
Je n’ai pas eu de pincement au cœur.
S. était déjà prête, pour une fois, j’ai regretté de ne pas avoir de brosse à cheveux, parce qu’ils tombaient de chaque côté de ma tête, en nœuds. On a commencé par regarder les habits qu’on ne pourrait jamais s’offrir. J’ai dit à S. que si j’ai de l’argent, je préfère m’acheter un disque que des vêtements et elle m’a presque agressée, « Non, aujourd’hui, je t’interdis de t’acheter un CD », tu dois devenir plus féminine, tu dois arrêter de porter du noir, tu dois mettre des colliers, tu dois entrer à Zara pour la première fois de ta vie.
J’étais médusée, tout était blanc, les vêtements accrochés aux murs n’existaient qu’en un seul exemplaire et rien à moins de 50 euros, je me suis rabattue sur le fond du magasin. Je pensais à Sex & The City et j’avais presque l’impression d’appartenir à la haute classe. Même si j’ai acheté un jean, le moins cher du magasin, je me sentais juste un peu plus supérieure. Pendant une seconde, j’ai même cru que je me plaisais physiquement. Juste un instant, le temps d’ouvrir le rideau de la cabine d’essayage et d’apercevoir un reflet pas encore précis de mon jean trop grand.
On a payé et on est parties.
Dans le métro du retour, j’ai continué. J’avais des résidus de supériorité, j’avais le sentiment que mon rêve –prendre le métro avec des amis qui ne doivent pas rentrer à 4 :30 sous peine de se faire priver de Charmed-, même si je n’étais pas avec la personne avec qui j’aurais aimé être, même si je n’avais toujours parlé ni à George, ni à A., même si je ne leur parlerais pas lors des 10 jours à venir, je n’avais pas pris le bus du retour ce jour là. Ils n’ont sûrement pas remarqué, peut-être que personne ne l’a pris, ce jour là, mais je ne me suis pas assise sur le même siège que depuis cinq mois. Je ne me suis pas demandé si mes épaules prenaient trop de place ou si on s’asseyait à côté de moi par défaut (parce que la réponse était oui), j’étais entrain de m’acheter des vêtements et de croire qu’un jour, je serais la personne que je veux être.

Sur le chemin de chez moi, à mesure que le bout de ma clé s’approchait de la serrure de la porte, A. et George s’éloignaient de mon esprit, et je recommençais à me demander ce que j’allais faire de ma soirée, ou de mes vacances, ou de ma vie. J’ai presque cru que quelques phrases m’anesthésieraient, elles l’ont fait, en fait. Pour quelques heures où je me suis sentie fière. Mais l’effet s’estompe de plus en vite. Peut-être parce que je l’ai trop utilisé, peut-être parce que je suis incurable. Peut-être parce que je les rejette.

L’année prochaine, je ne serai nulle part où je voudrais être, je n’aurais parlé à personne à qui j’aurais voulu parler, je ne parlerai pas la langue que je voudrais parler, je n’aurai pas arrangé les choses qui durent depuis trop longtemps et je n’aurai toujours pas contracté l’envie de le faire.


A l'aide, putain.

2 Comments:

Anonymous Anonyme said...

Quitte à tomber comme un cheveu sur la soupe... c'est quand même quelque chose qui me taraude depuis un certain temps.
J'aime comment tu écris.

21 février, 2006 11:03  
Anonymous Anonyme said...

J'aime beaucoup ton article, ta façon d'écrire, ta façon de penser, de voir les choses.
Tu es quelqu'un de remarquable !
Heureusement que côté discussions ça a changé !
Bisous Margaux ;)

23 février, 2006 10:59  

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