lundi, janvier 23, 2006

Fool of everyone


Je crois que je hoche la tête. Il se lève et ouvre la porte. C’est tellement étrange. Il fait clair dans le hall, il y a une grande baie vitrée sur le plafond qui donne directement sur le ciel, et en dessous de la fenêtre, il y a les escaliers, il passe devant et descend les marches tout doucement, il se tient à la rampe et ressemble à une toute petite chauve souris, ses bras étendus révèlent la stupide largeur de son manteau. Du haut de mes quelques marches de plus, j’observe sa tête et je me dis qu’il n’a pas beaucoup de cheveux, je manque de glisser sur le bout de son manteau et il se retourne en me souriant, quand je m’agrippe à la rampe, juste à sa hauteur, « pardon ». On traverse la grande cuisine sans bruit, elle est aussi illuminée, je n’ai jamais vu une nuit comme ça. Je vois le vieux chat de la gouvernante dormir entre la cafetière et le poivre, ses yeux ne brillent pas dans la nuit, ils sont fermés. Dommage, il ne manquait que cela pour que le tableau soit définitivement parfait. Les deux jeunes inconnus s’enfuyant dans la nuit, le petit garçon devant, la grande solitaire derrière, méfiante, et l’animal, symbole de l’autorité qui les observe, sans rien dire.
J’aurais même pu en faire une analyse.
A une époque je savais bien faire les analyses.
Il ouvre encore la porte, cette porte est blindée et elle fait un bruit affreux, comme un ressort qui se détend, en beaucoup plus grave et beaucoup plus crispant, je me demande de quel côté la gouvernante regardera si elle est réveillée par le bruit, je pense qu’il faut mieux sortir par la rue. Je méprise les dessins qui sont collés sur la porte, je méprise la fenêtre ouverte et l’ascenseur, je méprise les graviers dans la cours et je méprise le portail automatique. Je vois ses mains qui traînent un peu derrière lui, il est habillé tout en noir et de derrière, c’est la seule chose blanche, qui ressort, c’est comme un appel à les prendre et à ne plus les lâcher. Ses pas résonnent un peu sur le vieux seul de pierre de l’entrée, pas les miens. Je passe devant lui et nous sommes dehors. L’air frais me donnerait presque envie de pleurer, les lampadaires dégagent une lueur orangée qui éclaire la grande avenue suivant les ombres des feuilles des platanes. Le ciel est tout rose, c’est la pollution, je me dis. C’est assez rassurant. Il a ralenti le pas, il se met à ma hauteur.
Quelques voitures passent et ça me rend plus heureuse à chaque fois.
-Vous ne dormez jamais ?
-Pas vraiment.
-C'est-à-dire ?
Je n’ai pas vraiment envie de connaître la réponse.



Extrait. Critiques et chèques bienvenus.