samedi, mars 01, 2008

Your eyes are the size of the moon

A chaque fois c’est la même chose.

Je veux pas y aller, c’est viscéral, tout sauf ça, tout sauf une semaine en ultra collectivité avec des inconnus qui ronflent et qui transpirent. Là où je ne pourrai pas écouter George Brassens à fond, en lisant un traité de sociologie, avec mes chaussettes Hello Kitty et une assiette de fromages en équilibre sur le ventre.

Qu’elle est longue cette journée de transports avec toujours ces mêmes filles de Nîmes et Montpellier, et leurs chaussures à talon et à pois qui se remaquillent sur la tablette de leur siège.

Qu’elle est angoissante, cette heure qu’on passe au point de rendez-vous où un raz-de-marée d’adolescents déferle sur moi sans que j’aie le temps d’enregistrer s’ils seront sur le même séjour que moi.

Qu’ils sont lourds, ces écouteurs vissés à mes oreilles sous prétexte que je ne préfère parler à personne avant d’avoir quelque chose à leur dire.

Qu’elle est soulageante, cette voix qui m’apprend que je suis dans la chambre de 6, et que miraculeusement, il n’y a ni pois, ni écusson Roxy sur les valises de mes colocataires.

C’était d’abord Bruxelles, d’abord le pays tout plat, l’auberge du Marais et ses chambres à cartes magnétisées. Ses turcs à queue de rat dans la nuque qui nous suivent partout en nous proposant du chocolat, ses petits déjeuners avec poudre de jus d’orange et nutella en barquette. Dans ma chambre, donc, cinq filles, deux frisées à l’air doux, une blonde, une autre blonde plus maquillée et une adoratrice de Jack à keffieh et converses montantes.

Ca va rester cordial, je me dis.

Trois jours plus tard, je me tords de rire sur le sol de la chambre en leur suppliant d’arrêter de parler avec cet accent toulousain. C’est comme ça que ça marche. On trouve des gens qui rient pour les mêmes choses et tout parait plus doux, même le vomi à la sortie du tram d’Amsterdam, la banane à la ceinture de l’animateur, les 20 points marqués en deux parties cumulées de bowling, tout ça. Ça a l’air supportable quand on sait qu’on a trouvé des gens aussi, adaptés.

Au premier jour, j’ai rencontré le belge le plus drôle encore en activité, le guide touristique qui nous a baladés autour de la Grand Place, pendant trois heures, délicieusement plus supportables que trois heures de TP de chimie.


Et puis il y a eu des musées, des restaurants, du chocolat, beaucoup de bières et quelques frites. Tous les soirs, on se vautre sur nos lits, ou on se dandine sous un jet de douche brûlant ou glacé. Et puis on ressort, dans la nuit, on emprunte cette grande rue aux trois H&M et aux cinq Mc Do et on rigole très fort en se tenant le bras parce qu’on a la chance d’être heureux d’être ensemble.
Et il y a toujours un garçon. J’étais évidemment la cible numéro 1, la seule sans copain, ça se sait très vite quand on est un adolescent de 17 ans à la veste en cuir et au chapeau de Crocodile Dundee. L’approche majeur a constitué en un partage de tranche de jambon au pique-nique de l’Atomium.




Colo 16-17.

Il y a du niveau.

Incontestablement.

Flirter.

Un terme qui m’a longtemps échappé, certainement parce que dans la tranche de mon âge, ça consiste surtout à se mettre des coups de poing dans le ventre ou à se toucher les cheveux avec un vrai enthousiasme. Il faut dire qu’Amsterdam est une ville plutôt stimulante ou la sensation d’omnipotence est puissante, les effluves de shit et de kebab dans les quartiers parcourus font vite effet sur les cerveaux de quinze jeunes surexcités d’être dans la ville la plus convoitée par les trois quarts des 14/19 ans d’Europe.





Une fois rentrée, tout ça m’a paru indispensable, incapable de me rappeler pourquoi tout ça était si bien et de comprendre pourquoi ça me manque tellement. En plus, il a plu toute la journée, même Adam Green et Nagui n’ont pas réussi à me faire sentir mieux.


Je veux encore parler avec l’accent du Sud, manger des frites argentines, prendre les Smart Shop en photo à défaut d’y entrer, emprunter un fer à lisser, entrer dans l’ascenseur en pyjama, poser la tête sur l’épaule de quelqu'un prendre le Thalys en première classe, piquer des écouteurs au Parlement Européen, manger une gaufre et la jeter avant la fin, ne reconnaître aucune rue dans Amsterdam, fuir Pierre au Van Gogh, mater Axel au bowling, me mettre en pyjama sous mes draps,



et rigoler, tout le temps.